La magie est politique.
La magie est sociale.
La magie est culturelle.
Presque tout est magie.
Pour moi, le langage, l’art, la conscience et la magie sont quatre facettes du même phénomène. La créativité et la magie sont presque interchangeables.
De nos jours, la culture puise ses racines des composants éparpillés de la magie. Lorsque les civilisations sont devenues urbaines, pour la première fois, les hommes se sont spécialisés. Et parmi ce métier, celui de prêtre, par exemple, à enlevé sa dimension spirituelle à la magie. Et tous ces petits salauds d’artistes et d’écrivains, ils faisaient comme la magie, en exposant leurs visions. La naissance de la science moderne, qui a découlé de l’alchimie, provient également de la magie. Et puis il y a eu la médecine. Il ne restait plus à la magie que le monde intérieur. Le monde de nos entrailles. Celui de nos esprits. Jusqu’en 1910, où Sigmund Freud débarqua pour enlever son dernier vestige à la magie. Seul le décorum est resté. Nous avons démembré la magie. Mais tout cela fait partie d’une grande formule: c’est celle du Solve et du Coagula. Solve signifie l’analyse, le fait de tout briser jusqu’à la plus petite miette. Ensuite, la deuxième partie de la formule, le coagula, c’est la synthèse: c’est réunir tout ces petits morceaux pour former une nouvelle formule, une plus adaptée, ou plus compréhensible que l’originale.
C’est peut être de cela qu’à besoin la magie, et donc la culture et notre société.
Nous devrions trouver une nouvelle cohérence qui va émerger de l’état absolument dissolu dans lequel est la société actuelle.
Grâce à l’activisme, les révoltes et une nouvelle organisation qui s’opposent à des figures comme celles de Donald Trump , il faut rester optimiste et espérer que tout reprenne forme, petit à petit.
C’est cela, la magie. Elle est présente partout dans le monde.
Ce brillant illuminé m’a finalement donné les clefs pour comprendre quelque chose que j’arrivais jusqu’ici à saisir instinctivement, sans pouvoir vraiment mettre de mots dessus. Cette intuition, forgée par la lecture et l’expérience, que la vie n’est qu’une succession de dissolutions et de coagulations. L’élaboration de structures de plus en plus complexes qui se maintiennent ensemble par une force tierce (appelons la l’énergie vitale, ou le Chi dans le cas des êtres vivants), qui est ensuite dissoute lorsque l’entropie prend le dessus, pour en reformer de nouveaux , ainsi de suite. Ce mouvement créé une sorte de respiration, un échange permanent nécessaire à la marche de l’ensemble.
Dans la société actuelle, on est pas habitué à considérer ce processus de dissolution comme « positif ». Qui dit dissolution dit pertes, séparations, démembrement, écartèlement. Les dakinis qui dansent au milieu des viscères en démembrant l’initié; les Esprits qui festoient et se taillent des lambeaux de l’âme du futur chaman; Osiris qui se fait jeter aux quatre vents par Seth, les tibétains qui laissent les vautours se repaître, morceau par morceau, de la chair des morts pour que l’âme puisse être libérée. La vulnérabilité et le déchirement que l’on ressent lorsque qu’on se rend compte que rien ne nous appartient, pas même notre corps, dernier vestige dépecé lorsque nous déposons les armes.
Et pourtant, c’est le prix à payer pour la transformation. Pour y voir un peu plus clair, payer le prix pour voir ton propre reflet à travers la lame. Où, plutôt que ton propre reflet, devenu transparent à force d’être démantelé, tu peux enfin percevoir les choses telles qu’elles sont. Tu vois les gens, la société, les choses à travers toi. Tu peux trouver une nouvelle manière d’ajuster les choses. Tu peux essayer d’y voir un peu plus large.
Ne pas cantonner la magie à trois recettes trouvées sur un blog, un calendrier de la parfaite petite sorcière (à défaut de ménagère) qui a délaissé les fourneaux et les aspirateurs pour quelque chose d’un peu plus « stylé », une fenêtre Instagram avec bullet journal et programme pour la semaine en fonction de mars et vénus, tirages d’oracles pour organiser la vie de famille et rituels ikéa pour éloigner les énergies néfastes.
Je ne dis pas que c’est mal, seulement que c’est dommage de se limiter à cette seule vision de la magie. Pour moi la magie est beaucoup plus vaste, c’est quelque chose qui doit être utilisé pour comprendre les choses de façon plus profonde, plus globale.C’est un intermède, un fil. C’est suivre les fils de la toile d’Arachne pour en arriver au centre , et réussir à en comprendre les motifs. C’est comprendre que la société en est, comme disait Alan Moore, à la phase de Solve, le démembrement. Problèmes identitaires, problèmes de ressources, problèmes de production des denrées, problèmes d’égalité, centralisation à outrance….Il est temps de mettre à bas le système pyramidal qui nous pompe l’air , creusant encore et toujours les inégalités pour revenir à quelque chose d’horizontal. Le voisin qui communique avec son voisin, quoi. Pas de hiérarchie mais un système ou chacun agit en toute responsabilité, en connaissance de cause par rapport à son expérience propre, en respectant celle de son voisin.
Ils sont nombreux, ce qui pensent aux lendemains. Je ne parle pas forcément des colibris (pardon, je ne peux pas sacquer Pierre Rabhi, ni toute la clique des écologiquement corrects qui se tartinent la bonne conscience à base de photos de singes et de voyages aux quatre coins du monde « chez ceux qui n’ont rien » parce que c’est plus vendeur que la misère d’en bas de chez soi ) , mais des gens qui vont penser la société autrement. Qui vont titiller les consciences à coups d’histoires, de vidéos; d’actions concrètes . La réorganisation se met en place petit à petit, même si on ne sait pas où ça va. Le Coagule fait son chemin .
Et puis aussi, une très bonne année à vous, de la part de Neil Gaiman.
Sois bienveillant avec toi même pour l’année à venir.
Rappelles toi de te pardonner, et de pardonner aux autres. C’est trop facile de jouer l’outragé ces temps-ci, et tellement plus difficile de changer les choses, d’aller voir ce qui se passe ailleurs, de comprendre.
Essaye de rendre important le temps qui t’es imparti: les minutes et les heures et les jours peuvent s’envoler comme des feuilles mortes, avec rien d’autre à montrer que le temps que tu as passé à faire les choses à moitié, ou le temps que tu as passé à attendre que les choses commencent.
Rencontre de nouvelles personnes et parle leur. Fais de nouvelles choses et montre les aux personnes qui pourraient les apprécier.
Fais beaucoup trop de calins, souris beaucoup trop, et , quand tu peux, aime.
Neil Gaiman.