Dans les bras de la nuit

J ‘aime les blogs, en fait. Ca me rappelle mes débuts dans le paganisme, les débuts d’ internet. Les skyblog, ces journaux intimes déversés sans censure dans la grande gueule d ‘internet, à l’époque où son foisonnement était encore original. Il n’ y avait aucun tri de qualité, de quantité, chacun pouvait y imprimer un petit bout de lui même; ouvrir une fenêtre sur sa chambre d ‘ado (mentale) , ce foutoir frais et dissonant d’ idées et de sentiments bruts.

On a un peu perdu ça, et c ‘est dommage; la structure en grandissant s ‘est rendu compte qu’il y avait de la thunasse à se faire et que pour ça il lui fallait calibrer le contenu pour plaire, voir même modeler les esprits pour qu ‘ils en viennent à aimer un certain type de contenu.

Mais vu que je suis une vieille mamie réfractaire (hé! je glisse petit à petit vers mes 40 ans! ça commence à rouiller) , je continue à poster sur blog, car j ‘aime profondément leur côté posé et confortable, comme une bonne vieille paire de pantoufles. Le blog est absolument parfait pour parler de spiritualité;il y a dans ce médium quelque chose de spontané, et en même temps de caché, c’est une création qui prend racine dans l ‘intimité, quelque chose qui hésite à émerger en plein jour, sous les feux des projecteurs de youtube, qui est devenu beaucoup plus professionnel et donc plus lisse.

Et c ‘est dans l’ ombre qu ‘émergent les idées, comme des graines protégées par l’ obscurité de la terre, qui se nourrissent de l’ humidité et des nutriments, bien au frais dans leur cocon nourricier. Il leur faut du temps pour se nourrir, pour se développer et s ‘enraciner, avant de paraître au grand jour. Que fais tu de tes idées, si belles soient elles, si elles n ‘ont ni odeur ni consistance, car dénuées de racines? Si la course à la productivité et l’ éclat de toutes les autres créations d ‘internet t ’empêchent de t’enfermer confortablement dans ta grotte, et d ‘étreindre l ‘obscurité et la nuit réconfortante et génératrice de vie?

Vie, mort. Laisser mourir une partie de soi pour qu ‘elle se décompose et devienne de l’ humus nourricier.

Il est des phases, dans la vie, où la poursuite d ‘une chimère ou d ‘un trophée trop brillant nous amène à nous déplacer sans racines. Où l ‘on se dessèche à la lumière du soleil, où, tel le dragon, on est prit de la maladie de l ‘or et où l ‘on amasse les babioles scintillantes dont l’éclat nous aveugle, et que l’égo garde furieusement. Et pendant ce temps, l ‘être crie. Il crie de n ‘être pas assez nourrit, il crie car il veut être entendu, il crie car au lieu de pâle copie il recherche le Souffle vital, l’air qui insuffle l’ esprit et le mouvement créateur. L ‘air crisse et balaye les feuilles mortes , fait craquer les branches et fait s ‘envoler les murs de paille de l’égo. Et parfois, dans un Satori, on perçoit l ‘Esprit. Et l ‘on perçoit le décalage entre l’Etre et l ‘Ego, entre les besoins véritables et les envies. Et là, les murs s ‘effondrent. Tu te prends dans la gueule tes désirs illusoires , comme une envie de t ‘anéantir toi même, de te couper la tête, de t’abandonner aux quatre vents pour laisser ton égo se faire dévorer par les dakinis.

Ces petites morts arrivent en même temps qu ‘une métamorphose, comme si la peau actuelle, trop petite, devait se déchirer pour en faire sortir la prochaine mue, comme si l’Esprit, trop à l ‘étroit, faisait voler en éclats sa prison pour gouter à l ‘air du vent.

Image: manu arenas

Inari, dieu/déesse aux mille visages

Statue du sanctuaire shinto fushimi Inari, Kyoto

Travailler avec Inari a été pour moi l’occasion de travailler sur les masques: masques sociaux, apparence, ainsi que sur des choses plus profondes: animal-ombres, illusions de l’égo, toutes ces couches que l’on accumule année après année, pour se protéger, pour construire une personnalité, pour s ‘adapter au monde dans lequel on vit.

La question du masque est une question qui m ‘a suivit tout au long de mes peregrinations (cqfd, le titre de ce blog!) . Ou comment concilier le vécu interne, cette lumière profonde, avec une vie sociale épanouie.

Il est facile de verser d’un côté ou de l’autre; on peut choisir l ‘intégrité, la vérité intérieure, et la vivre de manière très brute, même si ça veut dire confronter son vécu, ses sensations et ses besoins en permanence avec le monde qui nous entoure; c ‘est une position parfois très conflictuelle, qui peut mettre l ‘autre en contact direct avec des parties très sombres, très brutales de notre être: la rage, la colère, le désespoir, une certaine force intérieure et une joie d ‘être soit même.

(c’est d’ailleurs le propos d ‘alerte rouge, le dernier Pixar. Ou comment laisser vivre la bête en soi !)

Ou on peut choisir d ‘éviter le conflit, de privilégier la cohésion sociale et le vécu en groupe: prendre sur soi, arrondir les angles, privilégier le partage, la communication, la compréhension de l ‘autre et le respect de ses opinions.

Ou on peut choisir un juste milieu, adaptable aux circonstances.

Inari est à l ‘origine une divinité très ancienne issue du shintoisme et du culte des esprits, parfois représenté comme un vieil homme juché sur un sac de riz et entouré de deux renards blancs (les renards blancs aux oreilles rouges sont les animaux destinés à Inari) , parfois sous la forme d ‘une femme, personnalisation du kami femelle du riz, il est également dit qu ‘Il/elle peut prendre la forme d’un renard, et c ‘est comme ça que je me le/la représente.

Associé à la fertilité, Inari est aussi la protectrice-protecteur des femmes, notamment les femmes exerçant des activités marginales ou étant laissées pour comptes, les actrices, prostituées et femmes infertiles. Et gare à ceux/celles qui s ‘attaqueraient à ses protégées. On lui associe également d ‘autres domaines , tels que l’industrie ( les artisans hein, pas la grosse industrie de masse liée au libéralisme.), la forge ou encore …le thé

Divinité multiface, il me faudra encore beaucoup de temps pour la découvrir et travailler sur moi même. Dans un temps ou les informations sont brouillées, ou l ‘on a du mal à séparer le vrai du faux , il est toujours bon de se tourner de temps en temps vers l ‘intérieur et de faire le tri. Et ensuite de décider quel visage montrer au monde qui nous entoure.

Allez. Je vous laisse avec une petite image du suuuuperbe jeu ghost of tsushima , en attendant peut être de revenir un jour avec des articles utiles ou des ptites créations de sorcière en fimo, une fois que j’ aurais récupéré mon appareil photo!