Freyja, par John Bauer
Bon.
J ‘ai préféré attendre un peu avant d ‘aborder le sujet. Déjà parce que c ‘est compliqué de parler de sa relation aux divinités, ensuite parce que l ‘image que l’on se fait de la divinité est souvent très personnelle, c ‘est souvent une mosaïque de ressentis, d’expériences, de lectures sur le sujet, de connections qu’on peut faire souvent d ‘une façon très intuitive: il est donc très probable que le tableau que je vais vous en brosser et les conclusions que je vais tirer ne sortirons pas texto des écrits de références (aka les sagas et eddas, CQFD, Régis boyer je t ‘aime, cœur sur toi) Ce sont des perceptions qui seront très largement discutables, probablement réfutables, et surtout, elles sont en constante évolution et seront très probablement complétées/ infirmées durant les années qui suivront, à mesure que j ‘apprendrai à mieux connaître la Dame.
Alors que dire. Déjà que je ne m’attendais pas du tout, mais alors DU TOUT à bosser avec Freyja. D ‘aussi longtemps que je me rappelle, j ‘ai surtout bossé avec des divinités masculines, exception faite d’Athéna, et Kali. Le féminin sacré, je m ‘en tamponne le coquillard, c ‘est un concept qui m ‘a toujours apparut être aussi fumeux que le dieu et la dame en wicca. (N ‘en déplaise aux wiccans traditionalistes, je n ‘ai jamais réussit à ressentir leur présence, ou leur énergie. Pour moi ce sont plus des concepts ou des archétypes que des dieux) J ‘ai toujours vécu ma vie sans trop faire attention à cette distinction entre masculin et féminin, si j ‘avais envie de faire du foot bin j ‘y allais, je n’aimais ni barbies ni les poupons ni le rose (et ça depuis toute petite!) donc je jouais aux kaplas et aux légos, à la cour de récréation je faisais la course avec les mecs quand je ne dessinais pas des licornes à la craie sur le sol de la cour. (les barbies non, mais les licornes OUI!)
Là où ça s ‘est corsé, c ‘est quand je me suis mise en couple. Déjà parce que j ‘ai découvert la vulnérabilité du corps (et de l ‘esprit qui va avec), et les failles que révèlent le fait d ‘être si proche d’une autre personne: peur du rejet et de l ‘abandon, sensation de ne jamais être assez , doutes, incertitudes, remises en questions.. J ‘ai vécu seule de nombreuses années, et c ‘est toujours un état avec lequel j ‘ai été confortable, j ‘aime me balader seule, lire seule, faire de la musique seule…. j ‘ai vécu la mise en couple comme une agression (oui , aussi, je me trimballe avec une anxiété sociale dévorante qui me fait perdre tous mes moyens en public, non ça n ‘aide pas) , j ‘ai été obligée de repenser toutes mes barrières sociales et psychologiques: le couple est une danse ou l ‘équilibre est si facilement brisé, on peut facilement se mettre de côté pour plaire à l ‘autre, ou au contraire le rendre responsable de notre mal être, et la frustration accumulée peut vite être intolérable.
Et pour moi qui ai déjà beaucoup de mal à gérer ces barrières dans la vie de tous les jours, se retrouver avec une présence permanente dans mon environnement avait quelque chose de terrifiant : je n ‘arrivais jamais à m’apaiser complètement s ‘il y avait quelqu ‘un dans mon espace proche, et je ne retrouvais ces états de douce plénitude que lorsque j ‘étais entièrement seule.
Le travail a donc été… compliqué. Ça a été long, chiant, éreintant, mais je me suis obstinée. Car au delà du couple il y avait une dimension que je tenais absolument à atteindre, qui était celle de la communication humaine.
Car parler dans ma tête, ça y ‘avait aucun problème, mais à cause de cette & »($^*ù!°§ d ‘anxiété sociale, chaque interaction avec un humain de chair et de sang devenait un calvaire et me vidait de toute mon énergie. Et que j ‘en avais juste raz la casquette de voir cette chose me limiter, comme une chape de plomb que je me trimballais depuis la naissance. J ‘ai donc essayé, encore et encore, je me suis loupée un nombre incroyable de fois, et surtout je craquais quand c ‘était trop dur; et c ‘est lors de l ‘un de ces craquages que j ‘ai appelé plusieurs dieux , un peu au pif, quelqu ‘un, je vous en prie, qui pourrait m ‘aider, parce que là j ‘en peux plus, c ‘est trop dur, j ‘y comprends rien et j ‘y arrive pas.
Et bizarrement (oui, j ‘en reviens toujours pas), c ‘est freyja qui à répondu à l ‘appel.
La Dame. Avec laquelle j ‘ai tout d ‘abord redécouvert un des fondamentaux, la bien nommée PURIFICATION -faire un nettoyage spirituel, comme on fait le ménage chez soi: car la poussière mentale s’accumule tout autant que celle sur vos meubles. Pour moi ce qui fonctionne le mieux ce sont les mantras, mais à vous de voir ce qui vous convient!
Une fois que le travail de nettoyage était en cours, je pouvais prendre le temps de comprendre freyja un peu plus en profondeur; j ‘en avais une image pas spécialement positive au départ, comme d ‘une déesse un poil volage, qui aurait couché avec des nains pour un collier et qui n ‘était pas particulièrement pro-active dans les Eddas, à la différence d ‘Odin, qui va quand même sacrifier son oeil pour boire dans le puits de la sagesse, se pendre pour accéder aux runes et voyager à droite à gauche pour satisfaire sa soif de connaissance.
Sauf que. Je me suis posée la question de l ‘invisibilisation des femmes dans la littérature, et du type de connaissance véhiculé. Les Eddas ont été écrites par des hommes, et la religion chrétienne était déjà passée par là. Il y a eu donc très probablement des biais dans les faits relatés , certains ont été mis en lumière, d ‘autres effacés, certains modifiés. Odin est sensé avoir été l ‘auteur du Havamal, texte magico-pratique , mais pas grand chose sur freyja, si ce n ‘est ses colères lorsqu’on lui propose de la marier avec un géant (sur ce coup-ci Thor, tu t ‘attendais à quoi??) , sa cape de plumes qu ‘elle prête à Loki lorsqu ‘il va chercher Idunn, le fait qu ‘elle récupère la moitié des morts sur le champs de bataille, et le fait qu ‘elle soit celle qui aie appris le Seidr à Odin. On ne la voit jamais utiliser sa cape (fjaðrhamr), mais on sait qu ‘elle permet de se changer en faucon; on peut donc penser que tout comme Odin, elle est capable de changer de peau.
Les zones d ‘ombres sur les attributs et les fonctions de Freyja sont extrêmement intéressants. Il est pour moi plus facile de les comprendre intuitivement que de les définir, car ils sont liés au monde de la sensation, du cycle mort/vie, de la vibration et de la circulation. Ils sont la hamingja, le potentiel de chance, ils sont les disirs, les esprits familiaux, et les landvaettir, les esprits du sol. Ceux qui connectent le vivant en une grande toile, et qui en garantissent l ‘équilibre. Ils sont liés au temps, à ce qui pousse et ce qui meurt, ils sont liés aux nornes, au fait de tisser le fil et de le couper. Ils sont liés au don, car le don permet la circulation de l ‘énergie, ils sont liés a la générosité qui entraine la richesse. Et ils sont aussi probablement liés au mystère, au tabou qui renforce le pouvoir: le seidr était probablement une pratique d ‘initié, qui se transmettait de femme à femme, et qui pourrait être liée à des pratiques chamaniques Sames (on sait que les scandinaves ont eu pas mal de contact avec les peuples lapons) ; on a très peu de textes sur la question si ce n ‘est dans la saga d ‘Erik le rouge; et je pense qu ‘on a plus de chances de comprendre le seidr en tapant du côté de ce qu ‘on sait aujourd’hui des pratiques chamaniques sibériennes qu’en se fiant aux seuls textes scandinaves (je me lis actuellement le très bon bouquin de charles stepanoff « voyager dans l ‘invisible« , j’espère y trouver quelques pistes)
Freyja est une déesse qui n ‘est pas du tout directrice dans ses attentes. Elle te laisse le loisir d ‘expérimenter les options, de les vivre pour en comprendre l ‘essence, c’est la connaissance du cœur, celle qui te permet de faire le tri entre ce qui est bon pour toi et ce qui ne l ‘est pas, ce qui profite à toi et à ta communauté.
Je n ‘ai pas pour l’instant beaucoup travaillé sur ses aspects disons » magiques » , ni sur l’aspect psychopompe, mais j ‘imagine que ça viendra en temps et en heure. J ‘ai beau connaître les aspects disons « théoriques » de la question (le fait qu ‘elle choisisse les âmes des morts , Fólkvangr, son valholl à elle ; son éventuel lien avec des valkyries qui me semble j ‘avoue un poil fumeux), je n ‘ai pas encore saisit viscéralement ce qu ‘il en retourne: je le comprends intellectuellement, mais non physiquement, comme une formule mathématique que je ne saurais ni appliquer, ni remanier.
Il me reste encore pas mal de chemin à faire, et j ‘avoue que pour l’instant, c ‘est un vrai plaisir!