Forger sa lame

ll that is gold does not glitter,
Not all those who wander are lost;
The old that is strong does not wither,
Deep roots are not reached by the frost.
From the ashes a fire shall be woken,
A light from the shadows shall spring;
Renewed shall be blade that was broken,
The crownless again shall be king.[1]

(les initiés, vous aurez évidemment reconnu un poème du seigneur des anneaux, pour les autres, je ne peux plus rien pour vous)

La symbolique de l’épée est quelque chose qui m’a toujours énormément parlé. J’ai l’impression, toute ma vie durant, d’avoir été comme le fer qui doit être  extrait, puis chauffé, battu; forgé, trempé avant de pouvoir devenir une lame digne de ce nom. Non pas que ce processus ne soit que le mien, je pense qu’il en est de même pour tous, nous sommes battus comme le grain, cueillis, cuits; tissés, mélangés, précipités, fermentés, rincés par la vie avant de pouvoir devenir ce que nous sommes. C’est peut être ce qui s’appelle grandir. C’est peut être une sorte d’alchimie. Transmuter le plomb en or, le minerai de fer en lame. Non pas que l’un soit meilleur que l’autre (toujours beaucoup de mal avec l’élitisme) , seulement que la vie est une suite de transformations et que pour consommer la vie comme il le faut et en tirer le meilleur parti, il faut d’abord être bien préparé.

Il y a quelque mois, je me suis lamentablement éclatée la tronche et pétée un ligament croisé lorsque j’étais en vadrouille. Je portais une broche avec une petite épée en argent , qui s’est tordue sous le choc . Et c’est là que je pense que la lame de mon âme s’est brisée en plusieurs morceaux. A bien y réfléchir , c’était la réponse physique parfaite à une situation psychologique sur laquelle je me suis littéralement pétée les dents. A trop vouloir en faire, trop vite, et vouloir forcer les évènements sans prendre en compte son intuition, on finit par y laisser sa peau.

La suite a été un long processus de guérison. Physique, mais aussi psychique (de toute façon, les deux vont ensemble).  Tu perds facilement le sens des choses lorsque tu n’es plus entier, c’est comme si tu étais décalée de toi même. Pas moyen de se connecter à son intuition. Celle qui sait ce qui est bon pour toi. Celle qui te montre le chemin. Celle qui te lie à ta créativité, à la vie, à la mort, celle qui sait comment délimiter ton territoire , celle qui sait se défendre et poser des barrières lorsqu’on te marche sur les plates bandes, celle qui sait quoi prendre, et quoi donner.

Tout est cycles. Il est des  temps pour offrir de soi, et il est des temps pour récolter ce que l’on a semé. On plante des graines dans le coeur des gens, dans son jardin, dans le potager de nos projets personnels. Certains fleurissent, d’autres pourrissent, mais il est toujours un temps pour récolter et profiter des efforts fournis. On ne peut pas toujours savoir laquelle donnera le plus de fruits, on peut tout autant sélectionner avec l’instinct pour nous éviter de cultiver en terrain stérile et s’éviter trop d’efforts inutiles.Parfois, un jardin stérile est tout ce que nous avons connu et on ne comprend pas pourquoi rien ne pousse. Pourquoi tous nos efforts sont vains. Et puis il y a toujours le moment où l’on se décide à partir trouver un endroit , des gens avec lesquels on peut enfin s’épanouir et ne plus cultiver que du vent. Ça demande des sacrifices, ça demande le culot de sortir de notre bicoque et d’aller explorer le monde, avec un crouton de pain et une gourde sur l’épaule en guise de bagages.

 

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(illustration: owen davey)

Dès que j’étais en état de conduire, je me suis carapatée de chez mes parents. Je n’en pouvais plus. Les premières semaines ont été très dures: la solitude absolue, cette espèce d’impatience propre aux gens qui sont perdus, qui te fait courir dans tous les sens , t’épuiser en quête de quelque chose qui te permettrait de nourrir enfin ton âme et de retrouver du sens à tout ça. Je dormais à l’arrache dans ma voiture, j’ai exploré les montagnes , je ne me sentais chez moi nul part, les paysages fantastiques qui se déployaient devant moi ne me faisaient plus rien. Et puis je suis tombée par hasard sur un chantier participatif, une bicoque perdue dans la montagne construite par un pur génie qui avait pris le parti de fabriquer sa propre baraque  sans emprunts, avec d’autres outils qu’un putain de culot, une sacré intelligence et une débrouillardise sans nom (surement un cousin de Mc Gyver) . Et c’est pas une cabane de jardin: maison avec étage, cave, potager (permaculture évidemment), avec projet de sauna et isolation thermique/sonique quasiment parfaite, et matériaux écologiques . Et je peux vous dire qu’au niveau énergétique, et bien ça fait une putain de différence. Pour moi qui me sens toujours enfermée et cloisonnée dans une maison, c’était une énorme bouffée d’air frais. C’est une maison vivante, une maison qui respire, qui fait partie de son environnement plus qu’elle ne l’en isole.

« on est là pour expérimenter la matière » que me disait ce fabuleux constructeur. « Le monde est plein de possibilités, et dans toutes ces possibilités il y en avait forcément une où j’étais capable de construire cette maison. Alors je l’ai faite ». Le fameux « Just Do It » de Yoda (ou de Nike, au choix). Ne te contente pas d’essayer, Fais le. Plus ton projet te semble fou, plus le culot paye et plus les circonstances convergent pour t’aider. Ça ne veut pas dire que tu ne vas pas en chier, ni qu’il ne faudra pas faire d’efforts. Ça veut juste dire que toi seul peut faire certaines choses, qu’il faut se débarrasser des peurs et des quand-dira-t-on. Il est possible que quelque chose d’énorme, d’imprévu nous tombe sur la tronche très bientôt. Alors en attendant, restons debout et montrons notre âme, créons, et avançons.

 

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Une réflexion sur “Forger sa lame

  1. Salut. J’aime beaucoup cet article, il résume bien ce que j’ai ressenti et vécu depuis plusieurs mois, bien que je ne sois pas encore arrivée à la case « besoin d’air et de partir », mais je pense que ça viendra… Surtout sur le fait, que c’est toujours quand on est le plus paumée, qu’on arrive pas à entendre notre intuition…. Tellement vrai !
    Bonne soirée

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